Voir un loup

 

                                        VOIR UN LOUP

En ce début d’année et cette fin de journée, dans la nuit qui était tombée, j’étais dans ma foulée, dans ma respiration. Mais elle fut quelque peu coupée quand je t’ai vu, quand j’ai réalisé ce que tu étais, ombre parmi les ombres, quand je fus ébahi par le cadeau que tu me faisais en me mettant sur ton chemin. Je me suis arrêté mais tu n’as pas ralenti. Tu n’avais pas peur et tu es passé. Nos regards se sont à peine croisés. Mon cœur battait à tout rompre. Ta foulée, que j’envie encore, était légère, suspendue. À l’heure où se terminait ma course quotidienne commençait ta quête. J’aurais voulu que tu te retournes mais ta noble fierté t’interdit cette faiblesse.

Cours, mon loup, et sois prudent : un candidat fraîchement élu est maintenant redevable. Les gâchettes sont puissantes et tes cousins, traîtres clabaudeurs, sont serviles.

Ah… saurais-je jamais ce qui me relie à toi ? Par quelle métempsycose aurais-je été loup ou le serais-je demain ?

T’ai-je vu, loup ?

Toi mon lecteur, toi ma lectrice : pensez-vous que je l’ai vraiment vu ? Vous ne le saurez pas mais quelqu’un le sait. Je ne suis peut-être que passeur d’images, conteur de mirages.

          Et toi que j’appelle mon loup, bien que jamais ma main ne rencontra la chaleur de ta tête, veuille bien m’excuser de t’avoir tutoyé.