Trop chaud pour moi
TROP CHAUD POUR MOI
Je n’ai jamais eu vraiment conscience de ce que j’étais. J’étais tranquille, rangé, immobile. Est-ce que, dans mon cocon, j’avais un minimum de neurones pour espérer devenir un magnifique papillon et déployer mes ailes sous la chaleur du soleil ? Comment le savoir ? Ma métamorphose se faisait attendre.
Vous me direz : mais pourquoi ne pas en venir tout de suite aux faits ? Eh bien, pour me laisser le temps de me justifier.
Il faut savoir que même si je parais insensé, mon anatomie et ma mission d’infiltration avaient chacune un sens précis. Avant l’événement ici relaté, je ne pouvais pas savoir que je n’étais pas fait pour supporter la chaleur du soleil. Un changement important se produisit bien… enfin, quand je dis " bien " ça ne pouvait pas être pour mon propre bien. En quelques secondes la température ambiante a augmenté. Sous l’effet de la chaleur je n’ai pas eu d’ailes à déployer ; il n’y avait pas de place et il faisait tout noir. Je ne serais donc pas un papillon ; mais je me suis quand-même métamorphosé ; j’ai transpiré comme jamais ! Il faisait si chaud ! C’était plus fort que moi et je pourrais dire que je me liquéfiais.
Voilà, presque tout est dit. C’est allé très vite. Si j’avais eu le moindre cerveau, je n’aurais pas abusé de votre temps ; vous aviez sûrement autre chose à faire de plus intéressant, et vous sauriez depuis le début ce que vous savez déjà : que sans que j’aie été vivant, ma courte existence, à la fois utile et misérable, qui ne mérite peut-être pas un hommage, fut celle d’un suppositoire. Il fallait pourtant que ça se sache, pour tous mes semblables anonymes et si souvent humiliés.