Saint-Preux
SAINT-PREUX
C’est sous le nom de Saint-Preux que Langlade (de ses prénoms Christian Désiré) désira se faire connaître, ainsi que sous celui de Chris Quartz.
Sachons, et sachez, qu’il était toujours en retard, et que c’est embêtant pour un musicien de ne pas être dans le tempo. Se trouvant fort dépourvu quand l’heure de jouer fut venue, il alla je cherche la rime chez Jakie Quartz sa cousine, qui n’était pas radine comme la fourmi, car elle lui offrit une jolie montre dernier cri. Il ne fut plus jamais en retard de la moindre mesure dans la plus grande mesure où il porterait sans cesse au poignet la montre de sa cousine Quartz. Grâce à la générosité de Jakie et à la popularité du musicien, bientôt le monde entier adopta la montre à Quartz de Jakie.
Maintenant, avec l’horaire des marées (que lui avait transmis son autre cousine Sophie) et la montre à Jakie, il put s’adonner à sa Passion et se lancer dans la composition de son œuvre Le piano sous la mer. Cette composition rebattit les cartes (marines) du jeu de l’instrument qui passa de l’ordre des cordes à celui du premier instrument conjoint à cordes et eau. Les lois de l’évolution ne concernent donc pas uniquement les êtres vivants, puisque venait de naître le piano aqueux.
À partir de là, se laissant porter par la vague, Christian-Désiré-Langlade-Chris-Quartz-Saint-Preux, ou très simplement CDLCQSP, un pour tous et tous pour un, fit des merveilles (ce qui ressemble à des baignées). Un nombreux public de sirènes, médusées, venues de loin, apprenait par une formation accélérée et dispensée avant chaque représentation du musicien, la pratique de l’applaudissement en immersion. Chimène battit des mains la première. De plus, les sirènes, habituellement charmeuses, se faisaient avoir à leur propre jeu devant cet artiste habillé en frac et sans trac, avec cette jolie queue de morue qui ondulait en caressant le sable couvert d’étoiles de mer, au milieu d’une forêt d’algues géantes composant par leur nature une voûte plantaire qui jamais ne s’affaissait.
Après un tel succès, que manque-t-il, demandait Polydor, subjugué, au retour du musicien sur la terre ferme, peut-être un Tour de France ? Mais ce serait pour plus tard. Saint-Preux avait déjà en tête la création de ce qui devait être sa plus grande réussite, un concert d’eau en sole meunière pour tortue luth et tuba, octopus n° 8. Malheureusement, l’instrument, qui n’était pas aussi bien constitué que le Nautilus avait souffert au contact du sel marin et certains accords firent penser à un concerto pour une voie d’eau. Les sirènes hurlaient, comme à midi le premier mercredi de chaque mois et les étoiles de mer s’éloignaient en courant ventre à terre. Le moment était venu du piano en chantier…
Cette odyssée ramena l’artiste sur la terre ferme et, pour financer les réparations du piano qui se trouvait en cale de radoub, il donna quelques concerts au Quartz de Brest, prêté en même temps qu’un accordéon par sa cousine Jakie. La suite est moins glorieuse car les avaries du piano s’avérèrent sévères, le rendant définitivement inutilisable. Saint-Preux fit une tournée nationale avec son accordéon pour jouer Your hair dans les salons Jacques Dessange. Puis un seul récital de Missa Amoris (en français La messe à Maurice), fut donné dans l’église du même nom à l’occasion de la Grande Braderie de Lille. Ses dernières apparitions nous firent entendre Phytandros, œuvre subventionnée par une célèbre marque de confiture qu’il nous est interdit de nommer, et jouée dans quelques supérettes pour des clients vieilles pies. Ce dernier contrat fit long feu car, ayant dû revendre sa montre à Quartz, le compositeur était de nouveau en retard. C’est Claudio Capéo qui détiendrait l’accordéon de CDLCQSP, racheté pour une bouchée-à-la-reine, les bons comptes faisant… les bons comptes. Aucun démenti n’a été publié sur ce sujet, ni sur d’autres, ni sur les compléments ; adverbe que pourra.