Quel qu'il soit
Qu’il soit celui du vent qui vient de l’océan,
caressant légèrement de sa brise bien sage
les êtres nonchalants étendus sur les plages ;
ou celui du mistral, attisant furieusement,
sans jamais perdre haleine, le feu dans la garrigue,
s’assagissant ensuite du coté de Martigues,
pour mouvoir les voiliers sous les yeux de Cézanne ;
qu’il soit celui d’Eole, fasse tourner les moulins ;
qu’il soit dompté parfois, dans l’antre de Vulcain,
où le travail du fer l’oblige et le condamne ;
que Bach en ait usé, de fugue en toccata,
pour lui donner une âme, s’il ne l’avait déjà ;
qu’il arrive à la bouche de l’enfant nouveau-né,
avant que de servir, durant la vie qui court,
à dire des chansons, jurons ou mots d’amour,
et qu’enfin de guerre lasse, on le dise le Dernier,
comme il manque au théâtre, aux lèvres de l’acteur,
une réplique oubliée qui vient par le souffleur ;
qu’il me serve aujourd’hui à écrire une page,
quand c’est celui du nom qu’on dit Inspiration,
guidant ici ma main, par touches et à tâtons ;
il est omniprésent ; rendons-lui donc hommage.
Et s’il faut le nommer, avant que ne s’essouffle
l’encre sur le papier, d'un mot, voici le souffle.