C'est l'intention qui compte.

     C'EST L'INTENTION QUI COMPTE

       Alors que j'étais invité chez Patricia à Wattrelos, le jour de la saint Pierre Damien, j'eu l'idée d'écrire une bafouille dont j'aurais pu, en guise de participation aux agapes, faire profiter l'assemblée présente. Mais quoi ? Que pouvait bien m'inspirer Pierre Damien, que je ne connaissais ni d'Ève Ruggieri, ni d'Adam Dirladada ? Je décidai de me rendre à Amiens où il était sûrement bien connu. Pour accroître mes chances d'atteindre saint Pierre d'Amiens, dont je ne connaissais pas la résidence, j'ai voulu passer par quelqu'un qui devait le connaître : saint Dictat d'Initiative. Pas de chance, on ne connaissait pas Pierre d'Amiens et on me proposa François Damiens, mais il n'est pas d'Amiens, il est belge. Et puis j'étais là pour Pierre, car sur ce Pierre je bâtirais mon histoire. Je suis donc entré au musée où une piste m'aurait peut-être mené vers lui.

     Au mur, une tapisserie attira mon regard. Une licorne ailée finissait d'en brouter le gazon en points de croix et l'ensemble ressemblait plus à un sac de jute qu'à une œuvre d'art. La bête me lança un regard furibond :

      « Qui te rend si hardi de troubler mon pâturage ?!

- Que votre majesté ne se mette pas en colère mais plutôt qu'elle considère que je suis en quête de Pierre d'Amiens… vous connaissez ?

- Et qu'est-ce que j'y gagnerais ? Assez de bla-bla, viens ! On va faire un tour ! Ça fait trois cents ans que je fais tapisserie, j'ai besoin de me dégourdir les jambes, à moins que ça te dérange de monter à cru…

      - Pas du tout, je suis au régime sans sel.»

      Elle sauta au sol puis pris son envol avec moi sur le dos. Le temps était clair. Nous avons pris de l'altitude… environ trois mètres cinquante, car elle avait le vertige ; c'est con mais des animaux zélés peuvent avoir leurs faiblesses...

       C'était bien gentil de sa part de m'emmener comme ça ; j'avais l'idée de lui faire un compliment sur la beauté de sa corne, mais me ravisai en pensant que s'il existait un M Licorne, il était peut-être pour quelque chose dans l'objet de mon compliment. Je ne voulus donc pas la vexer et me faire désarçonner par la bestiole. Je constatai qu'elle nous conduisait vers la baie de Somme (elle n'avait pourtant pas le caractère d'une bête de somme).

      « Tout ça c'est bien beau mais j'ai faim » dit-elle entre deux coups d'ailes, et elle atterrit dans les prés salés.

     

      Changement de pâture réjouit les veaux… et changement de pâture réjouit les veaux de mer, qui avaient la banane en voyant apparaître une créature comme cette licorne aux yeux de biche, qui décida devant cet accueil de me laisser à mon sort de piéton.

       Cette affaire ne me faisait pas avancer vers mon sujet et je me demandais ce que je raconterais le soir de ce 21 février, chez Patricia. Il fallait donc laisser sa licorne aux cornichons de mer, et revenir à la réalité. J'étais à marée basse, le vague à l'âme, à lame de fonds, enfin, pas de quoi se marrer… J'étais à la mer, et amer devais trouver un TER vers une terre plus ferme.

       Je me rendis à la gare la plus proche ; elle était vraiment proche, mais ses trains n'allaient vraiment pas loin, et vraiment pas vite. Bien sûr on pouvait manger à bord, en regardant au passage les hérons qui nous voyaient au passage manger du poisson. Mais non, il fallait que je me réserve pour les plats qui nous attendaient. Je descendis à Noyelles-sur-Mer, qu'on pourrait rebaptiser Noyelles-sans-mer, bien qu'elle ne soit pas orpheline. La mer n'était quand même pas loin puisque le vent m'apporta le chant des sirènes ; j'étais subjugué ! (C'est comme conjugué, mais moins con). Pourtant il ne s'agissait que d'un convoi de véhicules de pompiers en grève, c'est-à-dire qu'ils étaient ensablés. Ils attendaient donc la marée haute afin d'être dépannés par l'Abeille Flandre. Comme cette attente leur fichait le bourdon, ils s'occupaient avec leurs seaux en faisant des pâtés. Ah, les pâtés… Cela aiguisa mon appétit juste quand mon taxi arriva, enfin… ma licorne, déçue par les phoques qui n'étaient pas hétérosexuels.

       J'avais perdu beaucoup de temps dans ma quête de renseignements sur Pierre Damien, l'histoire était maintenant compromise, et même omise car nous étions le 22. J'avais loupé le repas. Tant pis pour Patricia et ses convives. C'était donc maintenant la sainte Isabelle… Tiens, comme elle aime le champagne, je commandai à mon ULM (Ultra Licorne Mobile) de m'emmener, sabre au clair, à Épernay pour y faire quelques emplettes. Elle reprit donc son envol avec moi sur le dos. Le temps était clair. Nous avons pris de l'altitude… environ neuf mètres quarante-six, un record, grâce à l'assurance qu'elle avait prise chez un courtier valéricain et malgré son vertige persistant ; c'est con mais des animaux zélés peuvent avoir leurs faiblesses...

       C'était bien gentil de sa part de m'emmener comme ça. J'avais l'idée de lui faire un compliment sur la beauté de sa corne… mais ça, je l'ai écrit déjà…